LA FEUILLE CITOYENNE – L’INTERVIEW
Olivier Coupiac, ingénieur en énergies renouvelables et conseiller municipal à Ste Foy
Vous êtes conseiller municipal, au sein du groupe SainteFoyAVENIR depuis mai 2020, que signifie cet engagement citoyen pour vous ?
Je suis venu à l’écologie en sortant d’une conférence de JM Jancovici sur le réchauffement climatique au début des années 2000 alors que j’étais jeune doctorant au CEA de Grenoble. Ce fut un choc. La bibliographie que je fis par la suite ne fit qu’ajouter des mauvaises nouvelles : découvrir que ma génération et celle de mes parents allaient réussir à détruire en 50 ans ce que le miracle évolutif avait construit en quelques centaines de millions d’années, fut une sensation désagréable. Pourtant la méconnaissance de ces enjeux dans le grand public et dans mon entourage était frappante : il fallait à la fois agir vite et largement communiquer. Je me suis alors réorienté vers les énergies renouvelables, et me suis soucié – à titre personnel, d’abord – de mes consommations d’énergie, d’eau, productions de déchets, etc.
Depuis une dizaine d’années, j’essaye d’agir en m’investissant au niveau associatif, de communiquer auprès des étudiants à travers différents cours et conférences en écoles d’ingénieurs. La campagne municipale de 2020 m’est apparue comme un excellent moyen d’allier l’action et la communication à une échelle tout à fait pertinente pour engager la transition, comme l’a montré Rob Hopkins. Pourtant, une fois l’équipe municipale en place, les choses ont été un peu plus compliquées : une grosse partie de l’énergie est consacrée à des manœuvres politiques. C’est un biais cognitif classique qu’on appelle la loi de futilité de Parkinson. Cela consiste, face à un problème complexe, à donner une importance disproportionnée aux questions futiles mais plus faciles à traiter. Face à l’effondrement du vivant et à la menace existentielle qui pèse sur l’humanité, on débat aujourd’hui avec passion de l’écriture inclusive, du burkini ou de nos bisbilles avec la métropole. Ce n’est pas sérieux !
Vous êtes ingénieur spécialisé dans les énergies renouvelables, quels progrès ou quels freins mesurez-vous aujourd’hui dans la transition énergétique ?
En 2017, le slogan d’Emmanuel Macron « Make our planet great again » a positionné la France comme leader mondial de la transition énergétique. Pourtant en 2020, nous étions le seul pays d’Europe à ne pas avoir atteint ses objectifs en terme d’énergies renouvelables (19 % contre 23%). La Stratégie Nationale Bas Carbone (04/2020) prévoit une division par 6 de nos émissions nationales et par 2 de nos consommations d’énergie. Avant de discuter en mode pour ou contre le nucléaire, il faut se poser la question fondamentale : comment va t-on diviser par deux nos consommations ?
Le premier poste d’émissions de C02 concerne les transports (30 %) : tous passer au SUV électrique ne suffira clairement pas. Il nous faudra décider de réductions importantes des masses et puissances des véhicules individuels et des km parcourus, notamment avec les modes les plus polluants, dont l’avion. Il y a évidemment de fortes résistances de la part des constructeurs, mais aussi de tout un système économique (concessionnaires, BTP, autoroutes, grandes surfaces, etc) et social qui s’est construit autour de la voiture individuelle et qui n’a aucune envie de changer de modèle. Ainsi, la proposition de la convention citoyenne d’interdire les publicités pour les produits les plus climaticides a été enterrée.
Pour le bâtiment (20 %), les choses pourraient sembler plus simples : on sait aujourd’hui construire des bâtiments à énergie positive qui permettent d’atteindre les objectifs climat avec en prime un gain de confort et une baisse des charges. La loi Grenelle visait 1 million de rénovations par an qui n’ont jamais été réalisées, la SNBC en prévoit 500 000. Aides insuffisantes, absence d’obligations, trop cher, manque de formation, ces objectifs ne pourront être raisonnablement atteints qu’avec une échéance obligatoire de mise aux normes thermiques des bâtiments publics et privés, comme c’est le cas pour la sécurité électrique par exemple.
Au niveau de la commune, vous avez plusieurs fois réclamé une stratégie énergétique pour ce mandat, comment la concevez-vous ?
De plus en plus de communes s’engagent dans la démarche des territoires à énergie positive qui consiste à choisir de produire plus d’énergie qu’ils n’en consomment à l’horizon 2050. Nous pourrions largement nous inspirer de cette démarche qui consiste à :
– réaliser un bilan exhaustif des flux entrants et sortants : électricité, eau, carburants, polluants, déchets ;
– calculer des trajectoires permettant d’atteindre les objectifs à terme ;
– mettre en place des actions pour engager les trajectoires : rénovation du bâti, installations solaires photovoltaïques thermiques, plan zéro déchet, etc.
Un tel projet demanderait l’embauche d’un pilote à temps plein. Depuis deux ans, nous sommes restés au point mort sur la première étape en ce qui concerne la consommation des bâtiments communaux. Non seulement le problème n’est pas traité de manière globale, mais le strict minimum est fait sur chaque point particulier.